Le soi comme entreprise

Publié le 2 Septembre 2020

 

Le soi comme entreprise

 

A l’ère de l’individualisme et du capitalisme, le soi est devenu une entreprise. Le corps est un capital à faire fructifier.

Le langage en est la preuve. La vie est une course, il faut “se prendre en main”, “passer à l’action”, “toujours positiver” et surtout “ne pas se laisser aller”. Être le meilleur. Les magazines et les articles sur le net donnent des conseils pour gagner du temps, dormir moins, être plus productif, être plus performant. Toujours plus de plus. On veut croire qu’on est tout puissant, on veut combattre la fatigue et la faim, la faiblesse du corps doit être reniée. Oubliée. Le mental doit être le plus fort. Tout doit marcher “à la volonté”. Volonté d’oublier que nous sommes avant-tout des humains avec des besoins primaires ?

Il faut être individualiste, ne pas trop en montrer, ne pas dévoiler ses émotions, rejeter les humeurs négatives, ne pas laisser les gens nous atteindre, se protéger. Surtout ne pas être dépendant(e) des autres. Sois heureux par toi-même et pour toi-même. Épanouis-toi.

 Le développement personnel s’insinue partout pour être “la meilleure version de soi même”, vivre mieux, travailler mieux. Une “industrie du bonheur” ? (expression d’Eva Illouz).

C’est l’injonction à l’amour propre, au “self-love”, à prendre soin de soi, à sourire. Tout ça pour quoi ? Pour travailler plus. Pour faire de l’argent, servir le capitalisme, faire marcher le système. Nous sommes les mini-entrepreneurs de nos vies.

Et pourtant, c’est aussi l’hyperactivité, la négation de nos émotions, la honte de nos “failles”, les burn out, la pauvreté, les maladies chroniques, la dépression, le déni des traumas et des signaux corporels, la fuite en avant dans l’action, la rupture des liens, l’anxiété. L’industrie du développement personnel est bien née d’une faille, d’une angoisse collective : comment vivre dans une société aussi instable ? C’est dur de trouver un emploi. Dur de trouver un logement. Dur de finir les fins de mois. Dur de se révolter. Alors méditons et soyons heureux.

 

On veut être aimé(e), mais on ne sait plus aimer. On veut plaire. On veut être envié(e). Il faut s’afficher sur les réseaux pour faire sa pub, se mettre en scène, et dire : venez, aimez moi. A force de voir des publicités nous en faisons pour nous même, on se vend sur la scène sociale. Qui likera ? Qui matchera ? Qui voudra bien de moi ? On dit “regardez-moi” mais je ne vous regarde pas.  On est centré sur notre égo et les gens qui nous entourent sont interchangeables tant qu’ils nous aiment.

Le corps est la vitrine de la réussite, il faut un corps mince mais musclé, qui refléterait l’activité et la ténacité. Et du fond de teint pour cacher les cernes. Et du café pour cacher la fatigue du corps épuisé. Et de la nicotine pour oublier le stress de ce mode de vie. L’enveloppe corporelle est un ouvrage, on la soumet à la “diète”, au “rééquilibrage alimentaire”, on se muscle, on se modèle selon les usages, selon les normes, les codes sociaux. L'exploiter, en tirer parti, le corps est un patrimoine, il reflète votre réussite sociale et professionnelle.

Dans cette course à la productivité, au toujours “plus”, c’est bien parfois de se rappeler à notre humanité. Se rappeler que nous sommes des êtres sociaux, que nous avons besoin de liens, que nous avons besoin d’aimer, que donner notre amour est aussi important que d’être aimé(e) et que c’est encore bien plus gratifiant. Se rappeler que nous pouvons choisir d’aller contre l’individualisme qui règne et aider son prochain, sourire, répandre des jolies ondes, se confier. Se rappeler que nous avons un corps qui n’est pas une machine et qui nous envoie des signaux que nous ne savons plus écouter.



 

Rédigé par Chloé

Publié dans #Pensées, #développement personnel, #société

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A
C'est tellement bien dit... <3
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C
Ma Alicou <3